Page:Stevenson - Le Maître de Ballantrae, 1989.djvu/168

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mais il n’en affecta que plus d’impudence de langage et d’attitude.

– Je suis affamé comme un faucon, dit-il. Voyez à ce que ce soit bon, Henry.

Mylord se tourna vers lui, avec le même sourire dur.

– Lord Durrisdeer, dit-il.

– Oh ! pas en famille ! répliqua le Maître.

– Chacun dans cette maison me donne le titre qui m’appartient, dit Mylord. S’il vous plaît de faire exception, je vous laisse à juger l’impression que cela fera sur les étrangers, et si l’on n’y verra pas un effet d’une jalousie impuissante.

J’aurais volontiers applaudi ; d’autant que Mylord, sans lui laisser le temps de répondre, me fit signe de le suivre, et sortit aussitôt de la salle.

– Venez vite, dit-il ; nous avons à balayer une vermine hors du château.

Et il se hâta le long des corridors, d’un pas si rapide que je pouvais à peine le suivre, jusqu’à la porte de John-Paul. Il l’ouvrit sans frapper, et entra. John était, en apparence, profondément endormi, mais Mylord ne fit même pas semblant de l’éveiller.

– John-Paul, dit-il de sa voix la plus calme, vous avez servi mon père longtemps, sinon je vous chasserais comme un chien. Si dans une demi-heure je vous trouve parti, vous continuerez à recevoir vos gages à Édimbourg. Si vous vous attardez ici ou à St-Bride, vieux serviteur, vieil homme et tout, je trouverai quelque moyen singulier de vous faire repentir de votre déloyauté. Debout ! et en route ! Que la porte par où vous les avez introduits serve à votre départ. Je ne veux plus que mon fils aperçoive votre figure.

– Je suis heureux de voir que vous prenez la chose aussi calmement, dis-je, une fois dehors et seuls.

– Calmement ? s’écria-t-il. Et il saisit avec brusquerie ma main pour la placer sur mon cœur, qui martelait sa poitrine à grands coups.

Cette révélation m’emplit d’étonnement et de crainte. Il n’était pas d’organisme capable de supporter pareille épreuve, surtout le sien, déjà ébranlé ; et je