Page:Stevenson - Le Maître de Ballantrae, 1989.djvu/170

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laquelle il s’exprimait ; nous en fûmes tous abasourdis, et surtout moi, qui venais de le voir si bien en possession de lui-même.

Mylady me lança un regard suppliant qui m’alla au cœur et me donna du courage. Je lui fis signe de partir, et quand elle m’eut laissé seul avec Mylord, j’allai retrouver celui-ci au bout de la salle, qu’il arpentait de long en large comme à demi fou, et lui posai avec fermeté la main sur l’épaule.

– Mylord, dis-je, je vais une fois de plus vous parler tout net ; si c’est pour la dernière fois, tant mieux, car je suis fatigué de ce rôle.

– Rien ne me fera changer, répondit-il. Dieu garde que je refuse de vous entendre ; mais rien ne me fera changer.

Il prononça ces mots avec décision, mais sans plus trace de violence, ce qui me rendit de l’espoir.

– Très bien, dis-je ; peu importe si je perds ma salive.

Je lui montrai un siège, où il s’assit tourné vers moi, et je commençai :

– Il fut un temps, je me souviens, où Mylady vous négligea beaucoup…

– Jamais je n’en ai parlé, tant qu’il a duré, me répliqua Mylord, tout rouge ; et c’est tout à fait changé, à présent.

– Savez-vous à quel point ? dis-je. Savez-vous à quel point c’est changé ? La situation est renversée, Mylord ! C’est Mylady qui mendie de vous un mot, un regard… oui, et elle les mendie en vain. Savez-vous avec qui elle passe ses journées, alors que vous êtes à baguenauder par le domaine ? Mylord, elle est bien aise de les passer avec un certain vieux régisseur du nom d’Éphraïm Mackellar ; et vous êtes, je crois, à même de vous rappeler ce que cela signifie, car, ou je me trompe beaucoup, vous avez vous-même été réduit à cette société-là.

– Mackellar ! s’écria Mylord, en se levant. Ô mon Dieu ! Mackellar !

– Ce n’est pas le nom de Mackellar, ni celui de