Page:Stevenson - Le Maître de Ballantrae, 1989.djvu/199

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porte donnait accès à un corridor de vieille maçonnerie romaine qui, un peu plus loin, se bifurquait. Le comte prit le boyau de droite, le suivit à tâtons dans les ténèbres, et s’arrêta contre une espèce de clôture à hauteur d’appui qui barrait entièrement le passage. En sondant avec le pied, devant lui, il trouva une arête de pierre polie, et au-delà, le vide. Alors, toute sa curiosité en éveil, il ramassa quelques bouts de bois épars sur le sol, et alluma du feu. Il avait devant lui un puits profond. Sans doute quelque paysan du voisinage s’était servi de son eau, jadis, et avait installé le garde-fou. Longtemps le comte resta penché sur la rampe à regarder au fond du puits. Celui-ci était de construction romaine, et, comme tout ce qui sortit des mains de ce peuple, bâti pour l’éternité : les parois étaient encore d’aplomb et les joints unis. À quiconque y tomberait, pas de salut possible. « Voyons, pensait le comte, une forte impulsion m’a conduit à cet endroit. Dans quel but ? Qu’y ai-je gagné ? pourquoi ai-je été amené à regarder dans ce puits ? » Soudain, le garde-fou céda sous son poids, il s’en fallut d’un rien qu’il ne fût précipité. Dans le bond qu’il fit en arrière, il écrasa le dernier brandon du feu, qui ne donna plus, au lieu de lumière, qu’une fumée infecte. « Ai-je été envoyé ici pour mourir ? » se dit-il, en tremblant de la tête aux pieds. Mais alors une idée l’illumina. Il s’avança, rampant sur les mains et les genoux, jusqu’à l’orifice du puits, et tâtonna dans l’air, au-dessus de lui. La rampe avait été assujettie à une paire de montants ; elle s’était arrachée d’un seul, et tenait encore par l’autre. Le comte la rajusta comme il l’avait trouvée ; de sorte que c’était la mort assurée pour le prochain visiteur. Puis il s’évada de la catacombe, pareil à un malade. Le lendemain, comme le baron et lui parcouraient à cheval le Corso, il affecta une vive préoccupation. L’autre (comme il le prévoyait) en demanda la cause ; et lui, après quelques feintes, avoua qu’il avait eu l’esprit frappé d’un songe extraordinaire.

« Il comptait avec cela tenir le baron, homme superstitieux, qui affectait de mépriser la superstition.