Page:Stevenson - Le Maître de Ballantrae, 1989.djvu/201

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sommeil, et je me réveillai tremblant et sanglotant. Et maintenant, poursuivit le comte, je vous remercie de tout cœur pour votre insistance. Ce rêve me pesait comme un fardeau ; mais une fois raconté clairement et en plein jour, ce n’est plus une telle affaire. – Je ne sais, dit le baron. Certains points en sont étrangers. Une communication, dites-vous ? Oui, c’est un rêve singulier. Cela fera un conte pour amuser nos amis. – Je n’en suis pas si sûr, dit le comte. Il m’inspire quelque appréhension. Oublions-le plutôt. – Certainement », dit le baron. Et, de fait, il ne fut plus question du rêve. Quelques jours après, le comte proposa une randonnée dans la campagne et, comme leur amitié devenait chaque jour plus étroite, le baron accepta aussitôt. Lors du retour, le comte le mena, à son insu, par une route déterminée. Soudain, il arrêta son cheval et, poussant un cri, se mit la main devant les yeux. Quand il découvrit son visage, il était très pâle (car c’était un comédien achevé), et regardait fixement le baron. « Qu’avez-vous ? s’écria celui-ci, que vous arrive-t-il ? – Rien, dit le comte, ce n’est rien. Un étourdissement, je ne sais. Retournons vite. » Mais entre-temps le baron avait regardé autour de lui ; et là, sur la gauche de la route en regardant vers Rome, il vit un chemin de traverse poussiéreux, avec un tombeau d’un côté et un clos de chênes verts de l’autre. « Oui, dit-il d’une voix altérée, c’est cela, retournons vite à Rome. Je crains que vous ne soyez pas bien. – Oh ! pour l’amour de Dieu, s’écria le comte en frissonnant, vite à Rome, et que je me mette au lit ! » Ils s’en retournèrent presque sans mot dire ; et le comte, bien qu’il fût attendu dans le monde, s’alita en faisant croire à un accès de fièvre du pays. Le lendemain, on trouva, attaché au pin, le cheval du baron ; mais du baron lui-même, plus de nouvelles jusqu’à cette heure.

– Et maintenant, dites-moi, était-ce un assassinat ? conclut le Maître en s’interrompant brusquement.

– Êtes-vous sûr que c’était un comte ? demandai-je.

– Je ne suis pas certain du titre, dit-il ; mais c’était