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II

En l’absence du Maître


J’accomplis ma dernière étape, en cette froide fin de décembre, par une journée de gelée très sèche, et mon guide n’était autre que Patey Macmorland, le frère de Tam. Ce gamin de dix ans, à cheveux d’étoupe et à jambes nues, me débita plus de méchants contes que je n’en ouïs jamais ; car il avait bu parfois au verre de son frère. Je n’étais pas encore bien âgé moi-même ; ma fierté n’avait pas encore la haute main sur ma curiosité ; et, d’ailleurs, n’importe qui eût été séduit, par cette froide matinée, d’entendre tous les vieux racontars du pays et de se voir montrer au long du chemin tous les endroits où s’étaient passés des événements singuliers. Il me servit les contes des Claverhouse quand nous fûmes aux fondrières, et les contes du diable quand nous arrivâmes au haut de la côte. En longeant la façade de l’abbaye, ce fut le tour des vieux moines, et plus encore des contrebandiers, à qui les ruines servent de magasins, de qui, pour ce motif, débarquent à une portée de canon de Durrisdeer ; et tout le long de la route, les Duries et le pauvre Mr. Henry occupèrent le premier rang de la calomnie. J’étais donc grandement prévenu contre la famille que j’allais servir, et je fus à moitié surpris de voir s’élever, dans une jolie baie abritée, le château de Durrisdeer lui-même, construit à la mode française, ou peut-être italienne, car je ne suis guère compétent là-dessus ; et