Page:Stevenson - Le Maître de Ballantrae, 1989.djvu/258

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– Mais, Dieu me damne ! cet homme est enterré, s’écria Sir William.

– C’est ce que je ne croirai jamais, répliqua Mylord, tremblant à faire peur. Je ne le croirai jamais, cria-t-il en se levant d’un bond. Avait-il l’air mort ? demanda-t-il à Mountain.

– L’air mort ? répéta le trafiquant. Il était tout blanc. Quoi ? qu’est-ce que vous croyez ? C’est moi, vous dis-je, moi qui ai jeté les pelletées sur lui.

Mylord agrippa de ses doigts contractures l’habit de Sir William :

– Cet homme passe pour être mon frère, dit-il, mais chacun sait bien qu’il n’est pas naturel.

– Pas naturel ? reprit Sir William, comment cela ?

– Il n’est pas de ce monde, chuchota Mylord, ni lui ni le diable noir son serviteur. Je lui ai passé mon sabre au travers du corps, s’écria-t-il ; j’en ai senti la garde résonner sur son bréchet, son sang chaud m’a jailli au visage, à plusieurs reprises, répéta-t-il avec un geste fou. – Mais il n’est pas mort pour si peu, dit-il. (Et je poussai moi-même un gros soupir). – Pourquoi irais-je maintenant le croire mort ?… Non, tant que je ne l’aurai pas vu décomposé.

Sir William me regarda de côté, la mine allongée. Mountain en oubliait ses blessures, et nous considérait, béant.

– Mylord, dis-je, je vous conjure de rassembler vos esprits. – Mais j’avais la gorge tellement sèche, et la tête si perdue, qu’il me fut impossible de rien ajouter.

– Non, dit Mylord, il n’est pas croyable qu’il me comprenne. Mackellar, oui, car il sait tout, et il l’a vu enterré déjà une fois. Ce Mackellar, Sir William, est un très bon serviteur pour moi ; il l’a enterré de ses propres mains – avec l’aide de mon père – à la lueur de deux flambeaux d’argent. Cet autre homme est un esprit familier : il l’a ramené du Coromandel. Je vous aurais conté tout cela depuis longtemps, Sir William, si ce n’avait été un secret de famille. – Ces dernières remarques furent faites avec un sérieux mélancolique, et il semblait que son égarement fût passé. – Vous