Page:Stevenson - Le Maître de Ballantrae, 1989.djvu/38

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prompt. M’apportez-vous des nouvelles de… Il hésita, puis, avec un changement de ton singulier, il laissa échapper : – mon fils ?

– Mon cher Lord, je serai franc avec vous, comme un soldat, dit le colonel. J’en apporte.

Mylord leva la main ; il semblait faire un signe, mais était-ce pour lui donner du temps ou pour le faire parler, nul n’eût pu le deviner. À la fin, il prononça ce seul mot :

– Bonnes ?

– Mais oui, les meilleures du monde ! s’exclama le colonel. Car mon excellent ami et honoré camarade est à cette heure dans la belle ville de Paris et vraisemblablement, si je connais ses habitudes, il se met à table pour dîner… Mais parbleu, je crois que Mylady va s’évanouir !

Mme Henry, en effet, pâle comme la mort, s’était accotée à l’appui de la fenêtre. Mais quand Mr. Henry fit un mouvement comme pour l’élancer, elle se redressa avec une espèce de frisson.

– Je suis très bien, dit-elle, les lèvres blanches.

Mr. Henry s’arrêta, et une expression de colère passa sur ses traits. Au bout d’un instant, il se retourna vers le colonel.

– Vous n’avez pas de reproches à vous faire, dit-il, au sujet de ce malaise de Mme Durie. C’est trop naturel : nous avons tous ici été élevés comme frères et sœur.

Mme Henry lança à son mari un regard mêlé de soulagement et de reconnaissance. Dans ma façon de penser, cette phrase lui fit faire son premier pas dans les bonnes grâces de sa femme.

– Il faut tâcher de me pardonner, Mme Durie, car, en fait, je ne suis qu’un brutal d’Irlandais, dit le colonel ; et je mériterais d’être tué pour n’avoir pas su présenter la chose avec plus d’art devant une lady. Mais voici les propres missives du Maître ; une pour chacun de vous trois ; et à coup sûr (si je connais tant soit peu l’esprit de mon ami) il vous raconte son histoire avec meilleure grâce.