Page:Stevenson - Le Mort vivant.djvu/119

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blez pour la vie d’un enfant ou lorsque vous venez de gagner aux courses, dans le cabinet d’un juge d’instruction ou sous les yeux de votre bien-aimée ; pour le vulgaire, vos signatures différeront l’une de l’autre ; mais pour l’expert, pour le graphologue, pour le caissier de banque, elles resteront toujours un seul et même phénomène, comme l’étoile du Nord pour les astronomes.

Et Maurice savait cela. Les entretiens de son oncle Joseph lui avaient fait entrer (de force) dans la tête la théorie de l’écriture, comme aussi la théorie de cet art ingénieux du faux en écritures, où il s’occupait maintenant à préparer ses débuts. Mais, — heureusement pour le bon ordre des transactions commerciales, — le faux en écritures est surtout affaire de pratique. Et pendant que Maurice était assis à sa table, ce jour-là, entouré de signatures authentiques de son oncle et d’essais d’imitation, hélas ! pitoyables, plus d’une fois il fut sur le point de désespérer ; de temps en temps, le vent lui envoyait un mugissement lugubre, par la cheminée ; de temps en temps, se répandait sur Bloomsbury une brume si épaisse qu’il avait à se lever de son fauteuil pour rallumer le gaz ; autour de lui régnaient la froideur et le désordre d’une maison longtemps inhabitée, — le plancher sans