Page:Stevenson - Le Mort vivant.djvu/159

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engagé, un sentiment de gêne, presque de honte, provoqué par l’absence du respectable faux-col, et un sentiment, plus amer encore, de dégradation, produit sans doute par la brusque suppression de la barbe : tels étaient les principaux ingrédients qui se mêlaient dans l’âme du malheureux artiste.

Un premier soulagement fut, pour lui, d’arriver enfin au restaurant où ils devaient déjeuner. Un second soulagement lui fut d’entendre Michel demander un cabinet particulier. Et tandis que les deux hommes grimpaient l’escalier, sous la conduite d’un garçon étranger, Pitman nota avec satisfaction que non seulement le restaurant était presque vide, mais que la plupart des clients qui s’y trouvaient étaient des exilés du beau pays de France. Aucun d’eux, suivant toute probabilité, n’était en relation avec le pensionnat où Pitman donnait des leçons : car le professeur de français lui-même, bien qu’il fût soupçonné d’être catholique, n’était guère homme à fréquenter un établissement aussi interlope !

Le garçon introduisit les deux amis dans une petite chambre nue, avec une table, un sofa, et le fantôme d’un feu. Sur quoi Michel se hâta de commander un supplément de charbon, ainsi que deux verres d’eau-de-vie avec un siphon d’eau de seltz.