Page:Stevenson - Le Mort vivant.djvu/20

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sur ses mains sévèrement contrôlée, et d’être promené dans la rue et reconduit chez lui comme un bébé aux soins d’une nourrice. À la pensée de tout cela, son âme se gonflait de venin. Il se hâtait d’accrocher à une patère, dans le vestibule, son chapeau, son manteau, et les odieuses mitaines, et puis de monter rejoindre Julia et ses carnets de notes. Le salon de la maison, au moins, était à l’abri de Maurice : il appartenait au vieillard et à la jeune fille. C’était là que celle-ci cousait ses robes ; c’était là que l’oncle Joseph tachait d’encre ses lunettes, tout au bonheur d’enregistrer des faits sans conséquences, ou de recueillir les chiffres de statistiques imbéciles.

Souvent, pendant qu’il était au salon avec Julia, il déplorait la fatalité qui avait fait de lui un des membres de la tontine.

— Sans cette maudite tontine, gémissait-il un soir, Maurice ne se soucierait pas de me garder ! Je pourrais être un homme libre, Julia ! Et il me serait si facile de gagner ma vie en donnant des conférences !

— Certes, cela vous serait facile ! — répondait Julia, qui avait un cœur d’or. — Et c’est lâche et vilain, de la part de Maurice, de vous priver d’une chose qui vous amuse tant !

— Vois-tu, mon enfant, c’est un être sans