Page:Stevenson - Le Mort vivant.djvu/211

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sit devant le piano, s’obstina rageusement dans ses tentatives pour rompre le silence, tantôt au moyen de brillants arpèges, tantôt au moyen d’une sonate de Beethoven, que jadis (dans des temps plus heureux) il avait connue comme l’une des œuvres les plus sonores de ce puissant compositeur. Et toujours pas un son ! Il donna sur les touches deux grands coups de ses poings fermés. La chambre resta silencieuse comme un tombeau.

Le jeune avocat se redressa en sursaut.

— Je suis devenu complètement sourd, s’écria-t-il tout haut, et personne ne le sait que moi ! La pire des malédictions de Dieu s’est abattue sur moi !

Ses doigts rencontrèrent la chaîne de sa montre. Aussitôt, il tira sa montre, et l’appliqua à son oreille : il en entendait parfaitement le tic-tac.

— Je ne suis pas sourd ! dit-il. C’est pis encore, je suis fou ! Ma raison m’a abandonné pour toujours !

Il promena autour de lui, dans la chambre, un regard inquiet, et aperçut notamment le fauteuil dans lequel M. Dickson s’était installé. Un bout de cigare traînait encore au pied du fauteuil.

« Non, songea-t-il, cela ne peut avoir été un rêve. C’est ma tête qui déménage, évidemment !