baissait la voix presque jusqu’au chuchotement ; le couple, tête à tête, se penchait sur le récit.
— Vous êtes, — savez-vous ? — dit Othon en riant, la femme la plus amusante de ce monde.
— Ah ! vous vous en êtes enfin aperçu ! s’écria-t-elle.
— Oui, Madame, avec les années je prends plus de clairvoyance.
— Les années ! répéta-t-elle. Pouvez-vous parler de ces traîtresses ? Je ne crois pas aux années, moi : le calendrier est un leurre.
— Il faut que vous ayez raison, Madame, répondit le prince. Depuis six ans que nous sommes amis, je remarque que vous devenez sans cesse plus jeune.
— Flatteur ! s’écria-t-elle ; puis, changeant de ton : Mais pourquoi dirais-je cela quand, sur mon âme, je pense tout comme vous ? Il y a une semaine, je tins conseil avec mon Père Directeur, le miroir ; le miroir me répondit : « Pas encore ». Je fais ainsi confesser mon visage tous les mois. Oh ! c’est là un moment fort solennel ! Savez-vous ce que je ferai quand le miroir répondra : « Il est temps » ?
— Je ne saurais deviner, dit-il.
— Ni moi non plus, répondit la comtesse. Il y a du choix ! Le suicide, le jeu, le couvent, un volume de mémoires, ou la politique. Ce sera cette dernière, je crains.
— Triste vocation ! fit Othon.
— Non pas, répondit-elle, C’est une vocation pour laquelle je me sens du goût. Après tout, la politique est cousine germaine du commérage,