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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

ric, monsieur le flatteur, dit-elle, est toujours bien le prince. Vous ne songez pas à faire une révolution, vous surtout ?

— Mais elle est déjà faite, chère Madame ; s’écria-t-il. Le prince, il est vrai, règne de par l’almanach, mais ma princesse règne et gouverne. En disant cela il l’envisagea d’un œil d’amour et d’admiration qui gonfla le cœur de Séraphine. Regardant son gigantesque esclave, elle savoura les joies enivrantes du pouvoir. Cependant il poursuivit, avec cette finesse massive qui lui seyait si mal : Elle n’a qu’une faute ; il n’y a qu’un seul danger dans la belle carrière que je prévois pour elle. Puis-je le nommer ? Puis-je être si irrévérencieux ? C’est en elle-même… son cœur est tendre.

— Son courage est faible, baron, dit la princesse. Si nous avions mal jugé !… Si nous allions être battus !

— Battus, Madame ! répliqua le baron avec une nuance d’humeur. Le chien se laisse-t-il battre par le lièvre ? Nos troupes sont cantonnées tout le long de la frontière ; avant cinq heures l’avant-garde de cinq mille baïonnettes frappera aux portes de Brandenau, et dans tout le Gérolstein il n’y a pas quinze cents hommes qui sachent manœuvrer. C’est simple comme bonjour, il ne peut pas y avoir de résistance.

— Cela ne semble pas un bien grand exploit. Est-ce là ce que vous appelez la gloire ? C’est comme si l’on battait un enfant !

— Le courage, Madame, est diplomatique, répliqua-t-il. Ceci est une entreprise grave : nous