peuvent le rendre heureux, ou bien encore les voyages ; la vertu, dit-on, a le même résultat… je n’en ai pas essayé. On prétend aussi qu’il est encore une sorte de bonheur, à trouver dans la tranquillité, la longue habitude du mariage. Heureux ? Oui, je suis heureux si vous voulez. Mais, je vous le dirai franchement, j’étais plus heureux quand je vous amenai ici à mon foyer.
— Enfin, dit la princesse, non sans un certain effort, il paraît que vous avez changé d’idée.
— Non, certes, répliqua Othon. Je n’ai jamais changé. Vous souvenez-vous, Séraphine, quand nous revînmes ici de notre voyage, quand vous vîtes les roses dans le sentier et que je descendis pour aller les cueillir ? C’était un étroit chemin bordé de grands arbres, au bout duquel le coucher de soleil était tout d’or, et les corbeaux volaient au-dessus de nous. Il y avait neuf roses, neuf roses rouges ; vous me donnâtes un baiser pour chacune d’elles, et je me dis que chaque rose et chaque baiser représenteraient une année d’amour. Eh bien, au bout de dix-huit mois tout était fini ! Mais croyez-vous, Séraphine, que c’est mon cœur qui ait changé ?
— Qu’en sais-je ? dit-elle comme un automate.
— Non, il n’a pas changé, continua le prince. Il n’y a aucun ridicule, même chez un mari, dans un amour qui s’avoue malheureux et qui ne réclame plus rien. J’ai bâti sur le sable. Pardonnez-moi : je ne fais pas ici ombre de reproche ; j’ai bâti, je suppose, sur mes propres défauts. Mais j’y ai mis mon cœur… Et il est encore là, dans les ruines.