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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

chose : si elle conspire avec Gondremark contre votre liberté, elle peut tout aussi facilement conspirer avec lui contre votre honneur.

— Mon honneur ? répéta-t-il. Vous… une femme ! Vraiment vous m’étonnez. Si je n’ai pas réussi à conquérir son amour ou à remplir mon rôle d’époux, quel droit me reste-t-il ? Quel honneur pourrait survivre à pareille défaite ? Aucun que je puisse reconnaître. Je suis redevenu un étranger. Si ma femme ne m’aime plus, j’irai en prison, puisqu’elle le veut… Et si elle en aime un autre, où pourrais-je être mieux placé ? À qui la faute, sinon à moi ? Madame de Rosen, vous parlez comme ne le font que trop de femmes, c’est-à-dire dans le langage des hommes. Moi-même, si j’avais succombé à la tentation (et Dieu sait que j’en fus bien près), j’aurais tremblé, mais néanmoins j’aurais espéré et demandé son pardon. Et pourtant c’eût été une trahison en dépit de l’amour. Madame, poursuivit-il avec une irritation croissante, laissez-moi dire ceci : là où un mari, par sa fatalité, par sa complaisance, par ses fantaisies déplacées, a lassé la patience de sa femme, je ne permettrai à personne, homme ou femme, de la condamner. Elle est libre. C’est l’homme qui s’est trouvé être indigne.

— Parce qu’elle ne vous aime pas ? Vous savez bien qu’elle est incapable d’un tel sentiment !

— Dites plutôt que c’est moi qui suis incapable de l’inspirer ! fit Othon.

Madame de Rosen éclata de rire. — Mais, fou que vous êtes, je suis amoureuse de vous, moi-même.

— Ah ! Madame, vous êtes si compatissante, ré-