Page:Stevenson - Le Roman du prince Othon.djvu/296

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Mais quand le rêve s’est envolé, quand je vous eus trahi et quand je crus avoir tué… Elle s’arrêta.

— J’ai cru avoir tué Gondremark, fit-elle, devenant toute rouge ; et alors je me suis trouvée seule, comme vous l’aviez prédit.

Le nom de Gondremark piqua comme un éperon la générosité du prince.

— Eh bien, s’écria-t-il, et à qui la faute sinon à moi ? Que vous m’aimiez ou non, mon devoir était d’être à vos côtés. Mais j’étais fainéant, jusqu’à la moelle des os : il m’était plus aisé de vous abandonner, que de vous résister. Jamais je n’ai pu pratiquer ce qu’il y a de plus beau dans l’amour… combattre pour l’amour. Et pourtant, il était bien là, cet amour ! Maintenant qu’est tombé notre petit royaume pour rire, ruiné par mes démérites d’abord et ensuite par votre inexpérience… maintenant que nous sommes seuls ensemble, pauvres comme Job, un homme, une femme, rien de plus, laissez-moi vous conjurer de pardonner à la faiblesse et de vous reposer sur l’amour. Comprenez-moi bien ! s’écria-t-il, voyant qu’elle allait parler, et de la main lui imposant silence : — Mon amour est changé, il est purifié dé toute prétention conjugale ; il ne demande pas, n’espère pas, ne désire même pas qu’on lui rende la pareille. Oubliez pour toujours le rôle dans lequel je vous ai tellement déplu, et acceptez avec franchise l’affection d’un frère !

— Othon, vous êtes trop généreux, dit-elle. Je sais que je ne mérite pas votre amour, je ne dois pas accepter ce sacrifice. Mieux vaut me quitter. Oh ! partez, et laissez-moi à mon sort !