Page:Stevenson - Le Roman du prince Othon.djvu/303

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
287
HEUREUSE INFORTUNE

toute cette catastrophe et toute cette misère, je ne vois que vous et moi, vous tel que vous avez toujours été, moi telle que j’étais alors… moi surtout. Oh ! oui, je me vois : et que dois-je penser !

— Eh bien alors, dit Othon, changeons de rôles. C’est à nous-mêmes que nous ne savons pardonner quand nous nous refusons le pardon l’un à l’autre… ainsi me l’assurait un ami hier soir. Sur ces données, jugez avec quelle générosité je me suis pardonné à moi-même ! Mais ne puis-je aussi trouver le pardon auprès de vous ? Allons, pardonnez-vous… et pardonnez-moi !

En paroles elle ne répondit rien, mais elle étendit la main vers lui d’un geste rapide. Il s’en saisit, et les doigts satinés de la jeune femme disparurent, doucement nichés, entre les siens. Et l’amour passa et repassa de l’un à l’autre, en courants de tendresse et de rénovation.

— Séraphine, s’écria-t-il, oh ! oublions le passé, laissez-moi vous servir, vous aider ! Laissez-moi être votre esclave ! Il me suffit de vous servir, d’être près de vous… Laisse-moi rester auprès de toi, chérie, ne me renvoie pas !

Il précipitait ses supplications comme un enfant effrayé. — Ce n’est pas de l’amour, dit-il je ne demande pas de l’amour, le mien suffit.

— Othon !… fit-elle, d’un ton de douleur.

Il leva la tête : le visage de Séraphine était transformé par une extase de tendresse mêlée d’angoisse. Ses traits, ses yeux surtout, tout changés, s’éclairaient de la lumière même de l’amour.

— Séraphine !… s’écria-t-il, puis encore une fois et d’une voix sourde ; Séraphine !…