Page:Stevenson - Le Roman du prince Othon.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
35
PRINCE ERRANT

du prince. — Je m’appelle Transome, répondit-il. Je suis un voyageur anglais. C’est aujourd’hui mardi. Jeudi, avant midi, l’argent sera prêt. Nous nous retrouverons, s’il vous plaît, à Mittwalden, à l’Étoile du matin.

— En toutes choses justes, je serai toujours bien humblement à vos ordres, répondit le fermier. Vous êtes donc anglais ! C’est une race de grands voyageurs. Votre Seigneurie a-t-elle de l’expérience en matières agricoles ?

— J’ai déjà eu occasion de m’en occuper, dit le prince, non pas, il est vrai, en Gérolstein. Mais la fortune fait tourner la roue, comme vous le dites, et je désire me trouver préparé à ses révolutions.

— Vous avez bien raison, Monsieur, dit Killian.

Ils marchaient sans se presser et se rapprochaient en ce moment de la ferme, remontant le long du treillis jusqu’au niveau de la prairie. Depuis quelque temps ils entendaient des voix qui devenaient de plus en plus distinctes à mesure qu’ils s’avançaient. Enfin, sortant du vallon, ils aperçurent, à peu de distance, Fritz et Ottilie : lui, rouge de colère, la voix enrouée, accentuant chaque phrase d’un coup de poing dans la paume de sa main ; elle, un peu à l’écart, tout ébouriffée d’agitation, et se défendant avec volubilité.

— Eh là, mon Dieu !… fit M. Gottesheim, qui, à ce spectacle, parut disposé à s’éloigner. Mais Othon marcha droit aux amoureux, pensant bien entrer pour quelque chose dans leur querelle. Et en effet, Fritz n’eut pas plus tôt aperçu le prince, qu’il prit une pose tragique comme pour l’attendre et le défier.