Page:Stevenson - Le Roman du prince Othon.djvu/59

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
43
PRINCE ERRANT

souvenir de la conversation de la nuit précédente l’assaillit comme une grêle de soufflets. De l’orient à l’occident il chercha du regard quelque consolateur, et bientôt remarqua sur la colline un chemin de traverse assez raide, et un cavalier qui le descendait avec précaution. Une voix, une présence humaine, à pareil moment, lui semblaient en elles-mêmes bienvenues comme la source dans le désert. Othon, arrêtant son cheval, attendit l’approche de l’étranger.

Ce dernier se trouva être un campagnard à figure rougeaude et lippue, chargé d’une double sacoche, et portant, attachée à la ceinture, une bouteille de grès. Il répondit gaiement, quoique d’une voix un peu épaisse, à l’appel du prince, et en même temps fit une embardée passablement bacchique sur sa selle. Il était clair que la bouteille n’était plus pleine.

— Allez-vous vers Mittwalden ? demanda le prince.

— Jusqu’à la route de Tannenbrunn, répondit l’homme ; allons-nous de compagnie ?

— Avec plaisir, je vous attendais même dans cet espoir.

Ils se trouvaient côte à côte. Suivant son instinct de paysan, l’homme examina d’abord de son œil trouble la monture de son compagnon : — Diantre, s’écria-t-il, vous montez une belle bête, l’ami ! Puis, ayant satisfait sa curiosité, il s’occupa d’un détail pour lui tout secondaire, la figure de son compagnon, et tressauta : — Le prince ! cria-t-il, et il salua, non sans une nouvelle embardée qui cette fois faillit le désarçonner. Je demande pardon à