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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

pays, est d’une étude plus complexe. Étranger à Grunewald, sa position y est éminemment fausse, et le fait seul de l’avoir maintenue est un véritable miracle d’impudence et d’habileté. Ses discours, sa figure, sa politique, tout est en double : pile et face. Vers lequel de ses deux extrêmes tendent en réalité ses desseins ? Ce serait un hardi penseur, celui qui tenterait de se prononcer là-dessus. Pourtant je hasarderais la conjecture qu’il les étudie tous deux, en attendant un de ces signes indicateurs dont le destin se montre si prodigue envers les sages de ce monde.

D’un côté, comme maire du palais, auprès d’Othon l’Inutile, et se faisant un outil et un truchement de l’amoureuse princesse, il poursuit une politique de pouvoir arbitraire et d’agrandissement territorial. Il a fait appeler au service militaire toute la population mâle de l’État bonne à porter les armes ; il a acheté du canon et attiré, des armées étrangères, des officiers capables ; et maintenant, dans ses relations internationales, il commence à prendre les façons batailleuses, le ton vaguement menaçant d’un matamore. L’idée d’étendre les frontières de Grunewald peut paraître absurde, mais ce petit État est placé avantageusement ; ses voisins sont tous sans défense, et si, à un moment donné, les cours plus puissantes se trouvaient neutralisées par leurs jalousies, une politique active pourrait bien doubler la principauté tant en territoire qu’en population. Il est certain du moins que c’est un plan auquel on songe à la cour de Mittwalden, et que moi-même je ne considère pas comme absolument insensé. Le Mar-