Je ne croyais pas que cette terre pût renfermer des souffrances et des terreurs à ce point démoralisantes. La seule chose que vous puissiez faire pour alléger mon sort, Utterson, c’est de respecter mon silence. »
Utterson en fut stupéfait : la sinistre influence de Hyde avait disparu, le docteur était retourné à ses travaux et à ses amitiés d’autrefois ; huit jours plus tôt l’avenir le plus souriant lui promettait une vieillesse heureuse et honorée ; et voilà qu’en un instant, amitié, paix d’esprit, et toutes les joies de son existence, sombraient à la fois. Une métamorphose aussi complète et aussi imprévue relevait de la folie ; mais d’après l’attitude et les paroles de Lanyon, elle devait avoir une raison plus profonde et cachée.
Au bout de huit jours, Lanyon s’alita, et en un peu moins d’une quinzaine il était mort. Le soir des funérailles, qui l’avaient affecté douloureusement, Utterson s’enferma à clef dans son cabinet de travail, et, s’attablant à la lueur mélancolique d’une bougie, sortit et étala devant lui une enveloppe libellée de la main et scellée du cachet de son ami défunt. « CONFIDENTIEL. Destiné à J. G. Utterson SEUL et en cas de sien prédécès à détruire tel quel », disait la suscription impérative. Le notaire redoutait de passer au contenu. « J’ai déjà enterré un ami aujourd’hui, songeait-il ; qui sait si ce papier ne va pas m’en coûter un second ? » Mais il repoussa cette crainte comme injurieuse, et rompit le cachet. Il y avait à l’intérieur un autre pli