Page:Stevenson - Le cas étrange du Dr. Jekyll et de M. Hyde, trad Varlet, 1931.djvu/144

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sortit la hache de dessous un tas de paille d’emballage ; on déposa le bougeoir sur la table la plus proche afin d’y voir clair pour l’attaque ; et, retenant leur souffle, tous deux s’approchèrent du lieu où ce pas inlassable allait sans cesse de long en large, et de large en long, dans le calme de la nuit.

— Jekyll, appela Utterson d’une voix forte, je demande à vous voir.

Il se tut quelques instants, mais ne reçut pas de réponse. Il reprit :

— Je vous en préviens tout net, nos soupçons sont éveillés, il faut que je vous voie et je vous verrai : si ce n’est par la persuasion, ce sera autrement… si ce n’est de votre bon gré, ce sera par la violence.

— Utterson, cria la voix, pour l’amour de Dieu, ayez pitié !

— Ah ! ce n’est pas la voix de Jekyll… c’est celle de Hyde ! s’écria Utterson. Enfoncez la porte, Poole !

Et Poole balança la hache par-dessus son épaule ; sous le coup le bâtiment retentit, et la porte à serge rouge rebondit contre la serrure et les gonds. Du cabinet jaillit un hurlement de détresse, d’une épouvante tout animale. La hache se releva de nouveau, et de nouveau les panneaux craquèrent et l’encadrement sursauta. À quatre reprises le coup retomba, mais le bois était dur et la menuiserie solide. Ce fut seulement au cinquième que la serrure disjointe s’arracha et que les débris de la porte s’abattirent à l’intérieur sur le tapis.