Page:Stevenson - Le cas étrange du Dr. Jekyll et de M. Hyde, trad Varlet, 1931.djvu/16

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versait une partie de la ville où l’on ne rencontrait absolument que des réverbères. Les rues se succédaient, et tout le monde dormait… Les rues se succédaient, toutes illuminées comme pour une procession et toutes aussi désertes qu’une église… si bien que finalement j’en arrivai à cet état d’esprit du monsieur qui dresse l’oreille de plus en plus et commence d’aspirer à l’apparition d’un agent de police. Tout à coup je vis deux silhouettes, d’une part un petit homme qui d’un bon pas trottinait vers l’est, et de l’autre une fillette de peut-être huit ou dix ans qui s’en venait par une rue transversale en courant de toutes ses forces. Eh bien, monsieur, arrivés au coin, tous deux se jetèrent l’un contre l’autre, ce qui était assez naturel ; mais ensuite advint l’horrible de la chose, car l’homme foula froidement aux pieds le corps de la fillette et s’éloigna, la laissant sur le pavé, hurlante. Cela n’a l’air de rien à entendre raconter, mais c’était diabolique à voir. Ce n’était plus un homme que j’avais devant moi, c’était je ne sais quel monstre satanique et impitoyable. J’appelai à l’aide, me mis à courir, saisis au collet notre citoyen, et le ramenai auprès de la fillette hurlante qu’entourait déjà un petit rassemblement. Il garda un parfait sang-froid et ne tenta aucune résistance, mais me décocha un regard si atroce que je me