déchiré de la conscience, ces jumeaux antipodiques sont ainsi en lutte continuelle. N’y aurait-il pas un moyen de les dissocier ?
J’en étais là de mes réflexions lorsque, comme je l’ai dit, un rayon inattendu jailli de mes expériences de laboratoire vint peu à peu illuminer la question. Je commençai à percevoir, plus vivement qu’on ne l’a jamais fait, l’instable immatérialité, la fugacité nébuleuse, de ce corps en apparence si solide dont nous sommes revêtus. Je découvris que certains agents ont le pouvoir d’attaquer cette enveloppe de chair et de l’arracher ainsi que le vent relève les pans d’une tente. Mais je ne pousserai pas plus loin cette partie scientifique de ma confession, pour deux bonnes raisons. D’abord, parce que j’ai appris à mes dépens que le calamiteux fardeau de notre vie est pour toujours attaché sur nos épaules, et qu’à chaque tentative que l’on fait pour le rejeter, il n’en retombe sur nous qu’avec un poids plus insolite et plus redoutable. En second lieu, parce que, ainsi que mon récit le rendra, hélas ! trop évident, ma découverte fut incomplète. Je me bornerai donc à dire qu’après avoir reconnu dans mon corps naturel la simple auréole et comme l’émanation de certaines des forces qui constituent mon esprit, je vins à bout de composer un produit grâce auquel ces forces pouvaient être dépouillées de leur suprématie, pour faire place à une seconde forme apparente, non moins représentative de mon moi, puisque étant l’expression et portant la marque d’éléments inférieurs de mon âme.