Page:Stevenson - Le cas étrange du Dr. Jekyll et de M. Hyde, trad Varlet, 1931.djvu/36

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— Autrefois, répliqua l’autre. Mais voici plus de dix ans que Henry Jekyll est devenu trop fantaisiste pour moi. Il a commencé à tourner mal, en esprit s’entend ; et j’ai beau toujours m’intéresser à lui en souvenir du passé comme on dit, je le vois et l’ai vu diantrement peu depuis lors. De pareilles billevesées scientifiques, ajouta le docteur, devenu soudain rouge pourpre, auraient suffi à brouiller Damon et Pythias.

Cette petite bouffée d’humeur apporta comme un baume à M. Utterson. « Ils n’ont fait que différer sur un point de science », songea-t-il ; et comme il était dénué de passion scientifique (sauf en matière notariale), il ajouta même : « Si ce n’est que cela ! » Puis, ayant laissé quelques secondes à son ami pour reprendre son calme, il aborda la question qui faisait le but de sa visite, en demandant :

— Avez-vous jamais rencontré un sien protégé, un nommé Hyde ?

— Hyde ? répéta Lanyon. Non. Jamais entendu parler de lui. Ce n’est pas de mon temps.

Telle fut la somme de renseignements que le notaire remporta avec lui dans son grand lit obscur où il resta à se retourner sans répit jusque bien avant dans la nuit. Ce ne fut guère une nuit de repos pour son esprit qui travaillait, perdu en pleines ténèbres et assiégé de questions.

Six heures sonnèrent au clocher de l’église qui se trouvait si commodément proche du logis de M. Utterson, et il creusait toujours le problème.