Page:Stevenson - Le cas étrange du Dr. Jekyll et de M. Hyde, trad Varlet, 1931.djvu/70

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Il était deux heures lorsqu’elle revint à elle et alla prévenir la police. L’assassin avait depuis longtemps disparu, mais au milieu de la chaussée gisait sa victime, incroyablement abîmée. Le bâton, instrument du forfait, bien qu’il fût d’un bois rare, très dense et compact, s’était cassé en deux sous la violence de cette rage insensée ; et un bout hérissé d’éclats en avait roulé jusque dans le ruisseau voisin… tandis que l’autre, sans doute, était resté aux mains du criminel. On retrouva sur la victime une bourse et une montre en or ; mais ni cartes de visite ni papiers, à l’exception d’une enveloppe cachetée et timbrée, que le vieillard s’en allait probablement mettre à la poste et qui portait le nom et l’adresse de M. Utterson.

Cette lettre fut remise dans la matinée au notaire comme il était encore couché. À peine eut-il jeté les yeux sur elle, et entendu raconter l’événement, qu’il prit un air solennel et dit :

— Je ne puis me prononcer tant que je n’aurai pas vu le corps ; mais c’est peut-être très sérieux. Ayez l’obligeance de me laisser le temps de m’habiller.

Et, sans quitter sa contenance grave, il expédia son déjeuner en hâte et se fit mener au poste de police, où l’on avait transporté le cadavre. À peine entré dans la cellule, il hocha la tête affirmativement.

— Oui, dit-il, je le reconnais. J’ai le regret de vous apprendre que c’est là le corps de sir Danvers Carew.