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« Allons, Rowley, pas trop de zèle ! m’écriai-je. Étant à mon service depuis trois heures déjà, vous avez certainement dû observer que j’étais un gentleman d’humeur essentiellement grave, et qu’il n’y avait rien qui me déplût davantage que la moindre apparence de familiarité. Au reste, je suis sûr que votre professeur Powl vous aura prophétiquement mis en garde contre ce danger !

— En effet, monsieur Anne ! balbutia Rowley.

— Mais aujourd’hui, poursuivis-je, se présente une des très rares circonstances où je consens à me départir de mes principes en votre faveur. Sachez donc que mon oncle m’a donné ce portefeuille ! J’ignore ce qu’il contient ; vous l’ignorez aussi. Peut-être ai-je été mystifié, ou peut-être suis-je, dès maintenant, énormément riche ? Ce ne serait pas chose impossible qu’il y eût cinq cents livres sterling, dans ce réceptacle d’apparence inoffensive !

— Seigneur Jésus ! s’écria Rowley.

— Et maintenant, Rowley, étendez votre main droite, et répétez après moi le serment que voici, dis-je, en déposant le portefeuille sur la table. — « Je veux que le diable ait mon âme si jamais je découvre à M. Powl, ou au vicomte de M. Powl, ou généralement à qui que ce soit de l’intimité de M. Powl, sans excepter M. Dawson, les trésors que peut contenir le portefeuille ici présent ! Ainsi soit-il ! Amen ! »

Rowley prononça le serment avec un sérieux parfait.

« Bon ! lui dis-je. Voici maintenant la clef : je tiendrai l’objet pendant que vous ouvrirez. Mais d’abord, monsieur, apportez ici toutes les chandelles de la chambre, et rangez-les en cercle ! »

Tout cela ayant été dûment fait, le portefeuille s’ouvrit ; et j’en renversai le contenu sur la table. Un tas énorme de billets de banque et de pièces d’or se répandit devant nous, parmi les chandelles, et roula de toutes parts sur le plancher.

« Seigneur Jésus ! criait M. Rowley en courant à la poursuite des guinées qui tombaient. Mais, monsieur Anne,