— Fâcheux, si vous préférez ! concédai-je.
— Mais est-ce vrai ? demanda-t-il.
— Eh bien, oui, en un certain sens, c’est vrai ! dis-je. Mais peut-être répondrai-je mieux à votre question en vous exposant la suite des faits !
— Je le crois aussi ! » me dit-il.
Je lui racontai donc tout ce qui me parut nécessaire à dire, de la querelle, du combat, de la mort de Goguelat, et du caractère de Clausel. Il m’écouta dans un profond silence, sans trahir aucunement la nature de ses émotions, à cela près que, durant l’épisode des ciseaux, son visage rouge me parut pâlir d’une nuance ou deux.
« Je suppose que je puis vous croire ? dit-il, quand j’eus fini.
— Ou, dans le cas contraire, clore cette entrevue ! répondis-je.
— Jeune fou, ne comprenez-vous donc pas que nous traitons ici des sujets d’une importance extrême ? Ne comprenez-vous pas que je suis moi-même chargé du poids d’une grave responsabilité à votre égard, et que ce n’est guère l’occasion, pour vous, de faire parade de vos forfanteries de mange-tout-crû contre votre homme d’affaires ? Il y a des heures sérieuses dans la vie, monsieur le comte ! ajouta-t-il sévèrement. Une accusation capitale, et d’un caractère des plus fâcheux ; la présence de ce Clausel, qui, de votre aveu même, est animé pour vous des plus mauvais sentiments, et capable de tous les parjures pour vous perdre ; les autres témoins enfuis, ou morts ; le préjugé naturel contre un Français, et un prisonnier évadé : tout cela constitue un total des plus embarrassants à considérer, et dont l’importance ne se trouve guère atténuée par l’incroyable légèreté de vos propres dispositions !
— Mais, monsieur !… dis-je.
— Oh ! je choisis mes expressions avec une exactitude scrupuleuse ! répondit-il. En quelle posture vous ai-je trouvé, monsieur, lorsque je suis venu vous annoncer