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le nom de la maison. De là, je marchai vivement jusqu’à Aylesbury, jouissant de ma liberté, et de cette bonne humeur inexplicable qu’éveille toujours dans l’âme une matinée de neige : bien que, à dire vrai, la neige eût cessé de tomber avant mon arrivée à Aylesbury, dont je vis fumer les toits au soleil levant. La cour de la poste était remplie de chaises et de cabriolets, et j’entendis une grande agitation dans la salle commune. Tout cela m’inspira une crainte de ne point parvenir à louer des chevaux et de me trouver ainsi retenu dans le dangereux voisinage de mon cousin et d’Amersham Place. Cette crainte et la faim violente qu’avait ouverte en moi la longue marche de nuit me décidèrent à aborder aussitôt le maître de poste, un gros homme à mine de palefrenier, que je trouvai sifflant dans une clef, au fond de la cour.

Je présentai au maître de poste ma modeste requête, qui le tira de son indifférence et parut le rendre furieux.

« Une chaise de poste et des chevaux ? Ai-je l’air d’un homme qui a une chaise de poste et des chevaux ? Que le diable m’enlève si j’en ai l’air ! Je ne fais pas des chevaux et des chaises, mon petit monsieur, je me borne à les recevoir au passage. Quand même vous seriez Dieu tout-puissant ! »

Mais tout à coup, comme s’il apercevait pour la première fois à qui il avait affaire, il s’interrompit, baissa le ton de sa voix et lui donna un accent confidentiel.

« Écoutez, dit-il, maintenant que je vois que vous êtes un gentleman, voici ce qui en est ! Si vous désirez acheter une chaise, j’ai exactement ce qu’il vous faut. Une chaise à deux chevaux, de Lycett, de Londres. Le dernier style, et aussi bon que du neuf. D’excellents ressorts, des roues légères comme la plume, une plate-forme à bagage, une poche à pistolets ; bref, la machine la plus complète et la plus élégante que j’aie jamais vue ! Le tout pour soixante-quinze livres ! C’est vraiment comme si je vous la donnais pour rien !

– Mais enfin, voulez-vous donc que je la traîne moi-