Page:Stevenson - Saint-Yves.djvu/281

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agitant la lanterne de tous côtés. J’ai envie de faire une battue.

— Je vous le défends bien ! répondit Chevenix. N’oubliez pas nos conventions, mon garçon ! Ne pas dépasser le sentier qui entoure la maison. Couchez ! Towzer, mon ami, couchez ! Tout beau ! là ! poursuivit le major en caressant l’abominable monstre.

— Et de penser que peut-être il nous entend, en ce moment ! cria Ronald.

— Oh ! rien n’est plus probable ! » dit le major.

Puis, parlant devant lui, d’une voix contenue, mais bien distincte :

« Vous êtes là, Saint-Yves ? fit-il. Je veux seulement vous dire que vous feriez mieux de rentrer chez vous. M. Gilchrist et moi nous montons la garde. »

Je compris que toute espérance de voir Flora était perdue, au moins pour cette nuit-là.

« Bien du plaisir, messieurs ! répondis-je sur le même ton. Il fait malheureusement un peu froid pour monter la garde. Tâchez d’éviter les engelures ! »

Je dis cela dans un accès de fureur qui, sans doute, provoqua chez le flegmatique major un accès pareil : car le fait est que, en dépit du raisonnable avis qu’il avait donné à Ronald un instant avant, il détacha la chaîne de son chien ; et celui-ci s’élança, droit comme une flèche, vers le coin du mur où je me trouvais. Je me baissai, ramassai une grosse pierre, et me tins prêt. En quelques bonds, le chien surgit sur le rebord du mur, et presque aussitôt, ma pierre l’atteignit en pleine tête. Il poussa un cri sourd, et s’en retourna en titubant d’où il était venu. Et j’entendis Chevenix s’écrier, d’une voix frémissante dont je l’aurais cru incapable : « Le gredin ! Malheur à lui s’il m’a tué mon chien ! » Sur quoi j’estimai que je n’avais pas de temps à perdre pour vider la place.