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comme nous avons à être esclaves de l’heure ? Hein ? que diriez-vous d’une bouteille de vieux vin à l’Hôtel Dumbreck ? »

Mais non, je refusai toute fausse consolation. Et j’allais prendre congé du personnage, lorsqu’il en vint à me rappeler que c’était ce jour-là que se réunissait l’Université de Cramond.

« Que diriez-vous, ajouta-t-il, d’une petite promenade de cinq milles dans la campagne, suivie d’un excellent dîner en compagnie d’une dizaine d’idiots de ma sorte ? »

Et cette proposition me donna à penser. De toute manière, j’avais à attendre jusqu’au lendemain soir : ceci pourrait m’aider un peu à tuer le temps. La campagne était un lieu de choix pour ma sécurité ; et la marche, d’autre part, avait de grandes chances de me calmer les nerfs. Puis le souvenir me revint de mon pauvre Rowley, occupé à simuler un rhume dans notre logement, sous le feu de la formidable et désormais douteuse Bethiah. Je demandai au membre de l’Université si je ne pourrais pas amener mon domestique. « Le malheureux s’ennuie ! » expliquai-je.

« L’homme compatissant étend sa compassion jusqu’à son âne ! répondit, en citant un proverbe, mon sentencieux ami. Amenez-le, cela va de soi ! Croyez-vous donc que nous ignorions les vers d’Ossian : « Sa harpe, sa seule joie désormais, était portée par un jeune orphelin. » Et je suis bien certain que votre jeune orphelin trouvera largement de quoi se rassasier dans la cuisine, pendant notre dîner, avec une bouteille ou deux par-dessus le marché ! »

En conséquence, tout à fait remis à présent de ma panique (à cela près que, pour rien au monde, je ne pouvais me décider à traverser le Pont du Nord), je trouvai à louer un costume de bal plus que suffisant, dans une petite boutique de Leith Street, je délivrai Rowley de sa réclusion, et, vers deux heures de l’après-midi, je parvins avec lui au lieu du rendez-vous, qui était le coin de Duke