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incapable d’apprendre le français. C’est chose où il faut, je crois, quelque feu ; et le major avait éteint tout le sien à force de se savonner.

Il mit la feuille sur la table, s’appuya le menton dans une main, et me regarda sévèrement, de ses yeux trop clairs.

« J’ai à vous parler ! me dit-il.

— Entièrement à vos ordres ! répliquai-je ; mais je tremblais, devinant bien de quel sujet nous allions parler.

– Il y a déjà quelque temps que vous me donnez ces leçons, reprit-il, et j’incline à avoir bonne opinion de vous. Je vous crois un gentleman.

— Monsieur, dis-je, j’ai effectivement l’honneur d’en être un.

— Quant à moi, dit-il, j’ignore l’impression que je vous fais ; mais peut-être êtes-vous porté à croire que je suis, moi aussi, un homme d’honneur ?

— La chose ne saurait faire de doute ! répondis-je. Et je m’inclinai.

— C’est parfait, fit-il. Et maintenant, dites-moi donc ce qui en est de l’affaire de ce Goguelat !

— Vous avez entendu mon témoignage, hier, devant la commission !… Je dormais sur mon lit…

— Oh ! oui, je vous ai entendu hier devant la commission, en effet ! m’interrompit-il. Et je me rappelle bien ce que vous avez raconté. Mais est-ce que vous supposez que j’aie pu songer un seul instant à vous croire ?

— En ce cas, vous ne me croirez pas davantage si je vous répète la même chose ici ! lui dis-je.

— Je me trompe peut-être (c’est ce que nous verrons bien), reprit-il, mais j’ai l’impression que vous allez me dire autre chose, ici. J’ai l’impression que, étant entré dans cette chambre, vous n’en sortirez pas sans m’avoir tout avoué ! »

Je haussai les épaules.

« Laissez-moi m’expliquer, continua-t-il. Votre déposition, naturellement, ne compte pas. Je n’en ai tenu aucun compte, non plus que la commission.