bon cœur ! Faites-moi la grâce de rester assise un moment et de m’écouter ! »
Ayant dit cela, je lui exposai mon cas, tout entier, sans faire aucune omission ni essayer la moindre atténuation. Sa poitrine se souleva cruellement pendant le récit du duel avec Goguelat ; et je vis qu’elle fermait ses yeux lorsque j’en fus arrivé à ma descente du rocher. Pour tout le reste, elle m’écouta en silence. Puis, mon histoire achevée, elle se leva et marcha vers la porte, sans parole. Sur le seuil, elle se retourna.
« Voilà une histoire bien étrange déclara-t-elle. Si feu Mac Rankine m’en avait conté l’équivalent, je lui aurais dit en face qu’il était un menteur ! »
Et ce fut tout. Tout pour moi, du moins, car j’entendis l’excellente dame se transporter aussitôt au chevet de M. Rowley, et — je l’aurais juré — lui répéter mot pour mot le récit complet de mes aventures.
Les heures que j’eus à traverser ensuite m’apparaissent aujourd’hui encore les plus longues de ma vie. Le Mercure même, cette fois, ne parvint pas à me distraire. J’y retrouvai simplement une répétition de l’annonce de la veille, promettant une récompense à qui me livrerait. Il y eut bien, je me rappelle, un coup de sonnette précipité qui, pendant une minute, une minute interminable, arrêta mon sang dans mes veines ; mais je retrouvai mon souffle, et avec lui mon ennui, lorsque je vis entrer dans ma chambre un garçon tailleur, venu pour m’apporter le costume de bal que j’avais loué la veille. Le costume consistait en un habit olive avec des boutons dorés et des revers de soie grise, une culotte olive, et un gilet blanc semé de fleurs bleues. Je déjeunai vers midi ; à la chute du jour, je bus une tasse de thé. Enfin arriva le soir, et je m’habillai.
C’est seulement vers sept heures, déjà prêt à sortir, que je pénétrai dans la chambre de mon malheureux valet. Je le trouvai moins jaune, mais non moins contrit. Mme Mac Rankine était assise près de lui, une grosse Bible à la main,