de la déesse dont elle portait le nom. Je l’atteste sur mon honneur : dès la seconde où elle apparut, le temps s’éclaircit.
« Flora !
— Mon pauvre Anne !
— Comme je suis heureux !
— Dites plutôt que vous êtes à moitié mort de froid et de faim !
— Je l’étais, chérie, mais, c’est bien passé !
— Et moi je savais que vous l’étiez ! Tenez, mon chéri ! »
Un châle de laine grise couvrait sa tête et ses épaules ; elle l’ôta, me le passa autour du cou ; et, sous le châle, elle tenait caché un petit panier qu’elle posa à terre.
« Les galettes doivent être chaudes encore, car elles sont allées tout droit du four dans la serviette. »
Nous étendîmes la serviette sur une grosse pierre, et le festin commença : des galettes, des œufs durs, une bouteille de lait. Vingt fois nos mains se rencontrèrent pendant que nous préparions la table. C’était notre entrée en ménage, le premier déjeuner de notre lune de miel. « Je vous jure que je me laisserai mourir de faim, madame, dis-je en riant, si vous refusez de partager mon repas. » Et nous nous penchâmes l’un vers l’autre, au-dessus de la pierre, et nos lèvres se touchèrent. Sa joue froide, toute mouillée, et une petite boucle de cheveux humides : pendant bien des jours le souvenir de ce contact délicieux fut mon aliment. Que dis-je ? il l’est aujourd’hui encore.
« Mais je me demande comment vous avez pu échapper à vos gardiens ! dis-je.
— Oh ! dit-elle, je n’ai pas eu de peine ! Jeannette — c’est notre laitière — m’a prêté son manteau et son châle, ses souliers aussi. Elle sort pour aller traire les vaches à six heures : je suis sortie à sa place. Le brouillard m’a aidée… Mais, Anne, nous ne devons pas perdre notre temps ! Ils sont si nombreux contre vous, et si près ! Par pitié, soyez sérieux !