Page:Stevenson - Saint-Yves.djvu/316

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parfaitement libre, je me sentais reposé et joyeux comme un collégien en vacances.

« Mais, vous savez, c’était Byfield qui parlait, debout derrière moi, je suis un personnage public, et ceci me met dans une position diablement gênante !

— J’en conviens volontiers ! répondis-je. Vous avez déclaré que vous partiriez seul ; et voici que, sans compter ce que peuvent encore cacher vos couvertures, nous sommes déjà trois !

— Eh ! monsieur, que puis-je à cela ? Si, au dernier moment, il plaît à un fou de faire irruption…

— Même en ce cas, il vous reste encore à expliquer M. Sheepshanks » observai-je.

Byfield commençait à m’agacer. Je me tournai vers le petit homme.

« Peut-être, dis-je, M. Sheepshanks consentira-t-il à nous expliquer lui-même…

— J’ai payé d’avance commença M. Sheepshanks, ravi de pouvoir saisir cette occasion de parler. Voyez-vous, monsieur, je suis un homme marié ! Et, voyez-vous, Mme Sheepshanks, qui est d’ailleurs une personne des plus remarquables, manque de sympathie pour l’aérostation. Elle est une Guthrie de Dumfries !

— Cela explique tout ! ne pus-je m’empêcher de répondre, avec une véritable gaieté d’enfant.

— Pour moi, au contraire, monsieur, l’aérostation a toujours été mon étude préférée : je pourrais même dire, monsieur, qu’elle a été la passion de ma vie ! — Et ses bons yeux brillaient, derrière les lunettes. — Je me rappelle parfaitement le grand Lunardi, monsieur ! J’ai assisté à une ascension qu’il a faite, au mois d’octobre 1785, dans les Heriot’s Gardens. Il a atterri à Cupar, monsieur, où la Société des Gentlemen Tireurs lui a lu un discours. Un homme de votre taille, monsieur, mais avec un visage plus allongé ! Il portait un chapeau d’une forme particulière, qui fut même à la mode, ensuite, pendant quelque temps. Il a mis sa montre en gage chez mon père, mon-