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Je revins vers Byfield, et recommençai à le secouer de toutes mes forces.

« Quoi ? s’écria-t-il enfin, en se redressant.

— Voici, je crois, la mer de la Manche !

— On dit « le Canal ! » répliqua-t-il d’un accent péremptoire.

— Hé ! m’écriai-je, appelez-la comme vous voudrez, mais hâtez-vous de vous lever, pour diriger le ballon ! »

Péniblement, Byfield se remit sur pied, se cramponna à une corde pour ne pas tomber, et s’efforça d’explorer les ténèbres. Puis il se retourna vers moi.

« Cela me fait l’effet d’être plutôt le Canal de Bristol, dit-il, et le ballon descend. Nous allons nous heurter aux falaises de la côte ! Vite, jetez un peu de lest, s’il y en a encore ! »

Je découvris quelques sacs de sable, et les vidai par-dessus bord. La côte, en effet, était toute proche : mais le Lunardi put se relever à temps pour passer à quelques centaines de pieds au-dessus des rochers.

De nouveau nous flottâmes dans la direction du sud. Autour de nous et au-dessous de nous, la nuit s’étendait encore, comme un immense sac noir ; mais, sur la droite, au-dessus de nous, le jour apparaissait. Lentement, il se répandit et descendit jusqu’à nous, descendit plus bas, jusqu’à une lointaine rangée de collines, et là, au contact du soleil levant, s’illumina tout à coup de longs rayons de pourpre.

Nous avions à nos pieds une terre inconnue, toute couverte de forêts. Entre les arbres brillait faiblement l’eau d’une rivière.

« Impossible de descendre ici dit Byfield, qui se préparait déjà à ouvrir la soupape. Il faut que nous nous éloignions de ces bois ! »

Bientôt la rivière s’élargit brusquement en un grand estuaire, peuplé de bateaux à l’ancre. De hautes collines le flanquaient des deux côtés, et dans le creux de l’une d’elles, la dernière à l’ouest, la masse grise d’une ville nous apparut.