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« Suzanne ! Suzanne ! cria-t-il. Montez un moment sur le pont, s’il vous plaît ! Un de ces messieurs désire rester à bord, comme passager. »

Une grande et grosse femme, d’âge moyen, passa la tête au-dessus de l’échelle, et me regarda.

« Qu’est-ce que c’est que ce costume qu’il porte sur lui ? demanda-t-elle brusquement.

— Madame, c’était naguère un costume de bal !

— Mais vous savez que vous ne trouverez pas à danser, ici, jeune homme !

— Je me résigne bien volontiers à cela, madame, comme à toutes les conditions que vous pourrez m’imposer ! Quelle que soit la discipline du bateau… »

Elle m’interrompit.

« Voyez-vous, monsieur, j’aurais dû vous dire que ceci n’est pas un voyage ordinaire !

— Ni, non plus, le mien ! ne pus-je m’empêcher de répondre.

— Vous serez exposé à des risques !

— Cela va sans dire !

— Au risque d’être pris ! Je dois vous informer, monsieur, qu’il y a beaucoup de chances pour que nous tombions aux mains des Américains.

— Hé ! m’écriai-je, avec un capitaine aussi brave que le nôtre, rien n’est à redouter ! »

Le vieux marin ne parut pas faire la moindre attention à mon compliment. Le regard qu’il promena tour à tour sur sa fille et sur moi n’exprimait qu’une indécision mêlée d’indifférence.

« Je ne puis pas m’expliquer davantage, monsieur, dit-il. Mais, vraiment, n’importe quel autre vaisseau vous conviendrait mieux que celui-ci ! Vraiment, je préférerais ne pas vous voir insister !

— Mais moi, j’insiste, et je tiendrai bon ! répondis-je, avec l’obstination d’une mule. Je vous répète que je suis prêt à accepter tous les risques : Et si vous voulez absolument que je descende avec mes amis dans le côtre, il