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« Je voudrais avoir votre avis, monsieur Ducie ! Vous n’avez pas, à ce que je crois, trouvé encore le chemin du salut ; en d’autres termes, vous n’êtes pas des nôtres ?

— Que voulez-vous dire ?

— Moi et tous les miens, monsieur, nous sommes les indignes adeptes de la parole divine, telle qu’elle a été prêchée par John Wesley !

— En effet, monsieur, je n’ai point le bonheur d’être des vôtres !

— Mais vous êtes un gentleman ? »

Je m’inclinai.

« Eh bien ! monsieur, au point de vue de l’honneur, êtes-vous d’avis qu’un serviteur du roi doive obéir à son maître terrestre jusqu’à accomplir des actes que sa conscience lui défend ?

— Cela peut dépendre…

— Au point de vue de l’honneur, monsieur ? Supposez que vous ayez engagé votre parole, et qu’on vous ordonne de la rompre ! Avez-vous le droit de le faire ? »

Je me rappelai mon pauvre vieux colonel, et sa parole rompue.

« Ne pourriez-vous pas préciser le cas ? » demandai-je enfin.

Le capitaine avait tenu les yeux fixés sur moi, anxieusement. Mais il secoua la tête, soupira, et prit dans sa poche une petite Bible.

« Je ne suis pas un gentleman, monsieur ! dit-il. J’ai soumis le cas à mon Sauveur, et c’est lui qui m’a répondu. Mais, ajouta-t-il ingénument, j’aurais voulu savoir quelle était là-dessus l’opinion d’un gentleman ! »

Il soupira de nouveau, baissa la tête, et s’éloigna.

Mon respect pour lui grandissait de jour en jour. Il était si aimable, en outre, si courtois, il supportait son mystérieux chagrin avec une résignation si douce que mon cœur allait à lui sans cesse davantage.

Mais, dès le lendemain de ce jour-là, tout mon respect faillit bien s’évanouir d’un seul coup. Nous étions en train