Page:Stevenson - Saint-Yves.djvu/349

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m’intimider, l’excès même de ma fureur contre lui le fit échouer dans cette entreprise. Je me dis que, en somme, le coquin devait avoir dans son affaire quelque point faible, que je parviendrais à découvrir. Mieux valait encore risquer un peu de prison que de renoncer, de mon plein gré, non seulement à une fortune, mais au rêve chéri qui s’y associait !

« Vous m’avez rappelé votre avertissement à M. Romaine, monsieur ! repris-je, après un moment de silence. Excusez-moi de toucher à un sujet qui ne doit avoir rien d’agréable pour vous, ni non plus pour moi, étant donnés nos liens de famille : mais vous rappelez-vous, à votre tour, certaine menace que vous a faite M. Romaine ?

— Une farce, mon cher ami ! La monstruosité même de l’accusation m’avait abasourdi, sur le moment !

— De telle sorte que cette accusation était entièrement fausse ? demandai-je.

— La meilleure preuve en est que, malgré sa menace, et le mépris manifeste où je l’ai tenue, M. Romaine n’a toujours pas bougé !

— Vous voulez dire que mon oncle a détruit les pièces qui vous dénonçaient ?

— Je ne veux rien dire de pareil ! répliqua-t-il vivement ; car je nie qu’aucune pièce de ce genre ait jamais existé ! »

Pendant tout ce petit dialogue, j’avais les yeux fixés sur lui.

« Alain, lui dis-je enfin tranquillement, vous êtes un menteur ! »

Un flot de sang assombrit son visage sous les cosmétiques qui le recouvraient, et c’est avec un juron terrible qu’il plongea deux doigts de sa main droite dans la poche de son gilet, pour en tirer un petit sifflet de chasse.

« Plus un mot de cette affaire-là ! dit-il ; ou bien je siffle, et la police arrive !

— Bien, bien ! dis-je. Abordons un autre sujet ! Donc, vous dites que ce Clausel m’a dénoncé ? »