Page:Stevenson - Saint-Yves.djvu/355

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rible lorgnon d’or collé sur son nez. Et, derrière elle, à côté de M. Romaine, apparut Ronald, mais un Ronald transfiguré comme par un miracle, avec quelque chose de viril dans toute sa personne que ne suffisaient guère à expliquer les cinq mois écoulés depuis notre dernière rencontre.

« Ha ! mocheu, je vous souhaite le bonjour ! proféra miss Gilchrist, en me dévisageant à travers son lorgnon. Et pourrais-je savoir ce qu’il y a pour votre service, aujourd’hui ?

— J’ose croire que vous le savez déjà, madame ! » balbutiai-je, repris, vis-à-vis d’elle, de ma timidité de petit garçon.

Heureusement Ronald s’entremit, pour me tirer d’embarras.

« Recevez tous mes compliments, Saint-Yves ! me dit-il. Et vous, en échange, félicitez-moi : car je viens de recevoir ma commission d’enseigne !

— Eh ! lui dis-je, en ce cas, c’est plutôt la France que je dois féliciter de n’être plus en guerre avec votre pays ! Et quel régiment ?

— Quatrième !

— Le régiment de Chevenix ?

— Chevenix est un galant homme. Il s’est fort bien conduit. Fort bien !

— Fort bien, en effet dit Flora, avec un signe de tête.

— Il s’est fort bien conduit ! répétai-je à mon tour. Mais j’espère que vous n’exigerez pas de moi que je l’en aime davantage ?

— Tout cela est bel et bon, s’écria soudain miss Gilchrist senior ; mais si, au lieu de vous éprendre tous les deux des beaux yeux d’une petite sotte, c’était à moi que le major Chevenix et vous eussiez adressé vos hommages, je vous assure bien que mon choix aurait été tout autre que celui de ma nièce. Le major Chevenix est un homme parfait, qui n’a contre lui que de ressembler à une paire de ciseaux et, au fait, Mocheu mon futur neveu, je com-