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IV

Je reçois une liasse de banknotes.


Peu de temps après ces événements, une après-midi, je fus tout surpris de me voir examiné avec une attention marquée, dans la cour de notre prison, par un personnage qui m’était tout à fait inconnu. C’était un homme d’âge moyen, avec une face rouge, de gros yeux ronds, des sourcils drôlement broussailleux, et un front protubérant ; il était vêtu d’une longue redingote de quaker et d’un chapeau à larges bords. L’ensemble de sa figure paraissait à la fois simple et cossu. Sans doute, il m’avait observé de loin assez longtemps, car je vis qu’un moineau restait tranquillement assis entre nous, sur la culasse d’un canon. Aussitôt que mes yeux eurent rencontré les siens, il s’approcha, faisant fuir le moineau, et s’adressa à moi en français. Il parlait cette langue assez couramment, mais avec un accent abominable.

« N’ai-je point le plaisir de parler à monsieur le comte Anne de Kéroual de Saint-Yves ? demanda-t-il.

— Ce n’est pas de ce nom-là que je m’appelle d’ordinaire, répondis-je ; mais je pourrais, en effet, porter ce nom si je voulais. En attendant, je m’appelle simplement Champdivers, à votre service. C’était le nom de ma mère, et j’ai trouvé qu’il convenait fort bien pour un soldat.

— Votre affirmation n’est pas tout à fait exacte, reprit mon visiteur ; car, si j’ai bon souvenir, votre mère aussi avait la particule. Elle se nommait Florimonde de Champdivers.