Page:Stevenson - Saint-Yves.djvu/48

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chais vivement d’avoir brûlé tant d’encens devant la vanité anglaise, et cependant, au fond de l’âme, j’étais ravi de penser que j’avais commencé à me faire un ami du frère de Flora.

Ainsi que je m’y attendais un peu, le frère et la sœur revinrent ensemble le lendemain. Et, quelque préparé que je fusse à jouer de nouveau la comédie, à peine eus-je aperçu le visage pâle de Flora et ses yeux adorés, que le sang m’afflua aux joues.

« Vous avez été tous les deux si bons pour moi, leur dis-je, pour l’étranger et pour le prisonnier, que je me suis demande comment je pourrais vous en témoigner ma reconnaissance. Je vais, si vous le voulez bien, vous confier un secret. Si étrange que cela puisse vous paraître, il n’y a ici personne, même parmi mes camarades, qui me connaisse par mon nom et mon titre. Pour tout le monde, ici, je m’appelle simplement Champdivers ; c’est un nom que j’ai le droit de porter, mais ce n’est pas mon véritable nom de famille. Chère miss Flora, permettez-moi de vous présenter le comte Anne de Kéroual de Saint-Yves.

— Je le savais ! s’écria Ronald, je vous l’avais bien dit, que c’était un noble ! »

Et je crus bien que les yeux de Flora disaient la même chose. Durant tout cet entretien, elle les tint fixés à terre, ne me les donnant que pour une courte seconde, de temps à autre, et avec un sérieux mêlé de douceur.

Tous deux commencèrent bientôt à me faire mille offres de service, me proposant de me prêter des livres, de m’apporter du tabac, et autres choses pareilles, qui toutes auraient été infiniment bienvenues avant que notre passage souterrain fût prêt. À présent, tout cela valait surtout à m’offrir la transition dont j’avais besoin.

« Mes chers amis, dis-je (car il faut que vous me permettiez de vous appeler de ce nom, moi qui n’ai pas d’autres amis à tant de centaines de lieues d’ici !), mes chers amis, vous allez peut-être me trouver capricieux et sentimental, et peut-être le suis-je en effet ; mais il y a un ser-