Page:Stevenson - Saint-Yves.djvu/92

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colline, sans écho. Je finis, en vérité, par en éprouver de la peine ; et quand, après deux heures de marche, Sim se retourna vers moi et me présenta une corne de bélier pleine de tabac à priser, en me demandant « si j’en usais », je répondis avec animation : « Je vous assure, monsieur, que je serais prêt à priser du poivre, si cela pouvait vous faire plaisir et amener entre nous un peu de cordialité ! » Mais cette plaisanterie même ne porta point, et mes compagnons s’obstinèrent dans leur odieuse réserve. Vers dix heures, nous parvînmes au sommet d’une crête d’où nous vîmes le sentier descendre en pente droite dans un vallon désert, d’à peu près une lieue de longueur, et se terminant, à l’autre extrémité, par une série de buttes également dénudées. Tout à coup Sim s’arrêta, ôta son chapeau et fit une moue.

« Voilà ! dit-il, nous voilà à la Tête de Howden !

— La Tête de Howden, oui ! reprit Candlish.

— Monsieur Ivey, êtes-vous sec ? » dit Sim, s’adressant à moi.

Je le regardai, cherchant à comprendre le sens de sa question.

« Vous êtes donc malade ? me dit-il. Je vous offre la goutte !

— Oh ! s’il y a quelque chose à boire, répondis-je, je prétends être pour le moins aussi sec que vous ! »

Sur quoi Sim tira d’un coin de son plaid une bouteille noire, et nous bûmes à tour de rôle en portant nos santés. Je m’aperçus bientôt que ces messieurs suivaient, en pareille occasion, une étiquette invariable, où vous pensez bien que je ne fis nul embarras de me conformer. Chacun de nous s’essuyait la bouche du revers de la main gauche, soulevait la bouteille dans la main droite en proférant avec emphase : « À la vôtre ! » — et avalait autant de liqueur que sa fantaisie le lui suggérait. Cette cérémonie, qui était la seule chose qui chez mes compagnons ressemblât à de la politesse, se répétait à des intervalles presque réguliers, mais de préférence après une montée.