Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/120

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

examine, etc.), c’est-à-dire que toute son activité se concentre sur un objet immuable, dans lequel il s’enfonce sans retour sur lui-même. Cet objet, il arrivera à le connaître, à l’approfondir, à le démontrer, mais il ne peut et ne tentera point de l’analyser et de le détruire. « L’homme doit être religieux », c’est chose convenue : toute la question est de savoir comment on parviendra à être religieux, quel est le vrai sens de la religiosité, etc. Il en est tout autrement si on remet en question l’axiome lui-même, et si l’on en doute, au risque de devoir finalement le rejeter. La Moralité est aussi une de ces conceptions sacrées : « On doit être moral » ; comment être moral, quelle est la vraie façon de l’être, c’est tout ce qu’on doit se demander. On ne se risque pas à demander si par hasard la Moralité elle-même ne serait pas une illusion, un mirage : elle reste au-dessus de tout doute, immuable. Et ainsi on gravit, étage par étage, tous les degrés du temple, depuis le « saint » jusqu’au « saint des saints ».



On range les hommes en deux classes : les cultivés et les non-cultivés, les civilisés et les barbares. Les premiers, en tant que méritant leur nom, s’occupaient de pensées, vivaient par l’Esprit, et comme, pendant l’ère chrétienne qui eut la pensée pour principe, ils étaient les maîtres, ils exigèrent de tous, envers les pensées reconnues par eux, la plus respectueuse soumission. État, Empereur, Église, Moralité, Ordre, etc., sont de ces pensées, de ces fantômes qui n’existent que pour l’Esprit.

Un être simplement vivant, un animal, s’inquiète d’eux aussi peu qu’un enfant. Mais les barbares ne sont en réalité que des enfants, et celui qui ne songe qu’à pourvoir aux besoins de sa vie est indifférent à tous ces fantômes ; comme il est d’autre part sans