Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/122

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réalités ; ils veulent, en effet, fonder sur terre un royaume de l’amour, dans lequel nul n’agira plus par intérêt égoïste, mais par « amour ». L’amour doit régner. Ce qu’ils se sont mis en tête n’a qu’un nom : c’est une — idée fixe. « Leur cervelle est hantée », et le plus importun, le plus obstiné des fantômes qui y ont élu domicile est l’Homme. Rappelez-vous le proverbe : « Le chemin de l’enfer est pavé de bonnes résolutions. » La résolution de réaliser complètement en soi l’Homme est un de ces excellents pavés du chemin de la perdition, et les fermes propos d’être bon, noble, charitable, etc., sortent de la même carrière.

Bruno Bauer dit quelque part  : « Cette classe bourgeoise, qui a pris dans l’histoire contemporaine une si redoutable importance, n’est capable d’aucun sacrifice, d’aucun enthousiasme pour une idée, d’aucune élévation : elle ne s’attache qu’à ce qui intéresse sa médiocrité, c’est-à-dire qu’elle ne voit pas plus loin qu’elle-même ; si elle est victorieuse, ce n’est, en définitive, que grâce à sa masse, dont l’inertie a lassé les efforts de la passion, de l’enthousiasme et de la logique, et grâce à sa surface qui a absorbé une partie des idées nouvelles. » Et aussi  : « Elle a accaparé pour elle seule le bénéfice des idées révolutionnaires auxquelles d’autres, désintéressés ou passionnés, s’étaient sacrifiés, et elle a changé l’esprit en argent. — Mais en vérité, avant de faire siennes ces idées, elle a commencé par les châtrer de ce qui en était l’extrême, mais aussi la stricte conséquence, de l’ardeur fanatique de destruction contre tout égoïsme. »

C’est entendu : ces gens-là sont incapables de dévouement et d’enthousiasme : ils n’ont ni idéal ni logique ; ce sont, au sens vulgaire du mol, des