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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/143

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il a été accompli pour le bien de l’Église, il a toujours été sûr d’obtenir, parfois sans aveu public, sa canonisation. Pour le Protestant, la Majesté est sacrée ; pour le Catholique, elle ne peut l’être qu’après avoir reçu du pontife sa consécration, et si le Catholique la tient pour sacrée, c’est que la sainteté lui a été implicitement conférée une fois pour toutes par le Pape. Mais que le Pape vienne à retirer sa consécration, et le roi anathème ne sera plus pour ses sujets catholiques qu’un « homme du siècle », un laïque, un « profane ».

Si le Protestant s’efforce de découvrir quelque sainteté dans tout ce qui touche aux sens, à la matière, pour ne plus s’attacher ensuite qu’à son côté sacré, le Catholique, lui, relègue le « matériel » dans un domaine à part où il conserve, comme tout le reste de la nature, sa valeur propre. L’Église catholique a jugé le mariage incompatible avec l’état ecclésiastique et a privé les membres du clergé des joies de la famille ; le mariage et la famille, même bénits, restent mondains. L’Église protestante, au contraire, tenant le mariage et les liens de la famille pour sacrés, fait abstraction de ce qu’ils ont de mondain et n’y voit rien qui ne puisse convenir à ses prêtres.

Un Jésuite, en sa qualité de bon catholique, peut tout sanctifier. Il suffit, par exemple, de se dire : Je suis prêtre et comme tel nécessaire à l’Église. Mais je la servirai avec bien plus de zèle si je puis dûment assouvir mes passions ! Je vais donc séduire cette jeune fille, faire empoisonner mon ennemi, etc. Mon but est sain, étant celui d’un prêtre ; par conséquent, il sanctifie le moyen. Je n’agis en somme que pour le bien de l’Église. Pourquoi le prêtre catholique craindrait-il de tendre à l’empereur Henri VII l’hostie empoisonnée — pour le salut de l’Église ?

Les Protestants vraiment selon le cœur de l’Église ont prohibé tous les « plaisirs innocents », parce que seul le sacré, le spirituel, pouvait être innocent.