Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/228

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de votre maîtresse : voudrez-vous aussi en être débarrassés ? Non, et vous renoncerez sans regret à votre liberté. Pourquoi ? De nouveau pour l’amour de vous-mêmes. Ainsi donc vous faites de vous la mesure et le juge de tout. Vous mettez volontiers de côté votre liberté, lorsque la non-liberté, le doux « esclavage d’amour », a pour vous plus de charmes, et vous la reprenez à l’occasion lorsqu’elle recommence à vous plaire, en supposant, ce qui n’est pas à examiner ici, que d’autres motifs (par exemple religieux) ne vous en détournent pas.

Pourquoi donc ne pas prendre votre courage à deux mains et ne pas faire résolument de vous le centre et le principe ? Pourquoi bayer à la liberté, votre rêve ? Êtes-vous votre rêve ? Ne prenez pas conseil de vos rêves, de vos imaginations, de vos pensées, car tout cela n’est que de la « creuse théorie ». Interrogez-vous, et faites cas de vous — cela est pratique et il ne vous déplaît pas d’être pratiques.

Mais l’un se demande ce que dira son Dieu (naturellement, son Dieu est ce qu’il désigne sous ce nom) ; un autre se demande ce que diront son sens moral, sa conscience, son sentiment du devoir ; un troisième s’inquiète de ce que les gens vont penser, et quand chacun a interrogé son oracle (les gens sont un oracle aussi sûr et plus compréhensible que celui de là-haut : Vox populi, vox dei, chacun obéit à la volonté de son maître et n’écoute plus le moins du monde ce que lui-même aurait pu dire et décider.

Adressez-vous donc à vous-mêmes, plutôt qu’à vos dieux ou à vos idoles : découvrez en vous ce qui y est caché, amenez-le à la lumière, et révélez-vous !

Comme chacun n’agit que d’après lui-même et ne s’inquiète de rien au-delà, les Chrétiens se sont imaginé qu’il ne pouvait en être autrement de Dieu. Il agit « comme il lui plaît ». Et l’homme, l’insensé, qui pourrait faire de même, doit bien s’en garder et doit agir « comme il plaît à Dieu ». — Vous dites que Dieu