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XII

PRÉFACE DU TRADUCTEUR

monde de l’esprit, du sacré et de l’amour, en un mot le monde chrétien, l’intraitable droiture de sa pensée devait le conduire à ne plus voir dans les rapports entre les hommes que le choc des individualités égoïstes et la lutte de tous contre tous. Son individualisme anti-chrétien et anti-idéaliste peut légitimement taxer de faux individua lisme toutes les doctrines auxquelles on attribue générale ment ce caractère ; en effet, si elles affranchissent l’individu des dogmes et secouent en apparence toute autorité, elles ne le laissent pas moins serviteur de l’esprit, de la vérité et de /’objet : pour l’ Unique, l’esprit n’est que mon arme, la vérité est ma créature, et l’objet n’est que mon objet. Libéraux, socialistes, humanitaires, tous ces amants de la liberté n’ont jamais compris le mot « ni dieu ni maître » ,’ « Possesseurs d’esclaves aux rires méprisants, ils sont eux-mêmes — des esclaves ’. »’

// est superflu de nous étendre longuement sur les dé tails de la pensée de Stirner ; une simple lecture de son li vre les fera connaître mieux qu’aucune analyse. Mais toute lecture est une traduction en une langue qui va s’écartant deplus en plus de celle de l’auteur ; les œuvres philosophi ques les plus solidement pensees, si elles n’ont pas à en craindre d’autre, ne peuvent échapper à cette « réfutation ». L’induction scientifique, impuissante contre le réseau serré des déductions, en ronge chaque maille tour àtour ,[les points de vue se modifient, les termes reçoivent des définitions nou velles, et, finalement, l’ossature logique de l’œuvre de meure, mais la chair et le sang en ont changé et elle vit d’une vie toute nouvelle. Tel est le sort habituel de tous les travaux purement dialectiques, et Stirner y est soumis. Si l’œuvre du moraliste reste inattaquable, il faut aujour d’hui, pour juger les conclusions de son livre, faire subir une espèce de remise au point à son principe, l’individu. (l) Das unwahre Prinzip unserer Erziehung, Kl. Schriften, cd. Mackay, p. 24.