Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/271

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qu’il doive se tenir sur ses gardes en mesurant votre puissance.

Nous classons habituellement les États suivant la façon dont le « pouvoir suprême » y est partagé ; s’il appartient à un seul, c’est une Monarchie ; s’il appartient à tous, une Démocratie, etc. Ce pouvoir suprême, contre qui s’exerce-t-il ? Contre l’individu et sa volonté d’individu. La puissance de l’État se manifeste sous forme de contrainte ; il emploie la « force », à laquelle l’individu, lui, n’a pas le droit de recourir. Aux mains de l’État, la force s’appelle « droit », aux mains de l’individu, elle s’appelle « crime ». Crime signifie : emploi de sa force par l’individu ; ce n’est que par le crime que l’individu peut détruire la puissance de l’État, quand il est d’avis que c’est lui qui est au-dessus de l’État et non l’État qui est au-dessus de lui.

Et maintenant, si je voulais rire, je pourrais, avec une grimace d’orthodoxie, vous exhorter à ne point faire de loi qui contrarie mon développement individuel, ma spontanéité et ma personnalité créatrices. Je ne donne pas ce conseil, car si vous le suiviez vous seriez naïfs, et moi je serais volé. Je ne vous demande absolument rien, car si peu que je vous demande, vous seriez toujours des faiseurs de lois autoritaires ; vous le seriez et vous devez l’être, parce qu’un corbeau ne sait pas chanter et qu’un voleur ne peut pas vivre sans voler. Je me tournerai plutôt vers ceux qui veulent être égoïstes, et je leur demanderai ce qui leur semble le plus égoïste : se faire donner par vous des lois et, ces lois une fois données, les respecter, ou bien se résoudre à l’insubordination, au catégorique refus d’obéir ?

De bonnes âmes disent que les lois ne devraient prescrire que ce que le sentiment du peuple estime bon et juste. Mais que m’importe la valeur qu’ont les choses dans le peuple et pour le peuple ? Le peuple sera peut-être ennemi des blasphémateurs ; de là, loi