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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/275

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le crime de l’État lui-même . » On peut adopter la phrase, sans toutefois l’entendre exactement comme celle qui l’écrivit. En effet, le moi sans frein, Moi, tel que je m’appartiens à moi seul, je ne puis me compléter et me réaliser dans l’État. Chaque moi est foncièrement criminel envers le peuple et l’État. Aussi l’État les surveille-t-il tous ; il voit en chacun un — égoïste et il redoute l’égoïste. Il présume de chacun le pire et prend toutes ses précautions, précautions policières, pour que « aucun tort ne soit fait à l’État », ne quid respublica detrimenti capiat.

Le Moi sans frein — que nous sommes tous de naissance et que nous restons toujours dans notre for intérieur — est dans l’État un criminel incorrigible. Quand un homme prend pour guides son audace, sa volonté, son absence de scrupules et son ignorance de la peur, l’État et le peuple l’entourent d’espions. Le peuple ? — Oui, braves gens, le peuple ! — vous ne savez guère tout ce que vous lui devez ! — le peuple est policier dans l’âme, et celui-là seul qui renie son moi, qui pratique le « renoncement » obtient ses suffrages.

Dans le livre en question, Bettina, qui a bon cœur, ne considère, l’État que comme un malade et compte sur sa guérison, guérison qu’elle attend de la thérapeutique des « démagogues  ». Seulement l’État n’est pas malade ; il est au contraire en parfaite santé, du moment qu’il tient à distance les démagogues qui veulent le saigner au profit des individus, au profit de « tous ». Ses fidèles sont les meilleurs démagogues, les meilleurs pasteurs du peuple qu’il peut désirer. À en croire Bettina « l’État doit développer le germe de liberté que renferme l’humanité, sinon il n’est qu’une marâtre ». Il ne saurait être autre